Avez-vous lu la Tribune du Dimanche du 27 avril 2025 ?
Dans un plaidoyer pro-technocentre, le député Raphaël Schellenberger y prend la plume pour dérouler une suite de contre-vérités et clouer la CNDP au pilori.
Que M. Schellenberger soit un ardent défenseur du nucléaire, c’est son droit. Mais qu’il diffuse des contre-vérités et affirme dans son propos liminaire « Après avoir dépensé plusieurs milliers d’euros à débattre, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) renonce à son pouvoir décisionnel » c’est tout simplement faux ! Le statut de la CNDP lui interdit toute prise de position, a fortiori tout pouvoir décisionnel. Son rôle se limite à permettre l’émergence des questions quant aux impacts et enjeux, positifs comme négatifs, d’un projet industriel et de synthétiser les termes du débat en mentionnant aussi les interrogations restées sans réponse.
Toujours selon ce député membre du lobby, « au terme d’un débat de 4 mois et de plusieurs centaines de milliers d’euros dépensés pour « débattre », la CNDP propose de « veiller à prendre en compte la sensibilité allemande ». C’est-à-dire de renoncer à décider seuls, chez nous, pour nous. » Comparaison n’est pas raison, néanmoins alors que certains pays ne se privent pas d’aller anéantir des installations nucléaires menaçantes pour leur sécurité sur le sol de leurs adversaires, il n’est peut-être pas anormal ni abusif d’interroger la sensibilité d’un pays ami lorsqu’on projette d’établir à sa frontière une installation dont ses habitants seront les premiers, vents dominants obligent, à subir ses risques, nuisances et émanations.
Les citoyens respectueux du débat démocratique apprécieront également cette charge grossière, je cite : « Ce glissement de la souveraineté à la discussion sans fin illustre jusqu’à l’absurde le mal français : une commission particulière, désignée par une commission nationale, convoquée pour organiser un débat public sur un projet industriel, lui, clair, mais dont l’issue dépendrait d’avis non contraignants et d’arbitrages ultérieurs potentiellement confiés à d’autres commissions. Une mise en abyme démocratique dans toute sa splendeur — jusqu’à frôler la parodie institutionnelle. »
Plus loin, le même élu se permet de déformer la vérité en affirmant : « Grâce à un procédé éprouvé, ces matériaux peuvent être traités devenant jusqu’à 300 fois moins radioactifs que les aciers du commerce. » Mais où donc va-t-il chercher cela ? Même EDF, qui limitait sa comparaison à la radioactivité naturelle (donc radon inclus), n’a jamais prétendu que l’acier issu du technocentre serait 300 fois moins radioactif que… l’acier du commerce. C’est un MENSONGE DÉLIBÉRÉ !
La France, selon lui, serait « prisonnière du vieux narratif anti-nucléaire et d’une peur du débat technique ».
Plus loin encore, il s’autorise à affirmer que « l’on a sacrifié une centrale en parfait état de fonctionnement » alors-même que, président de la CLIS Fessenheim, le même Schellenberger sait parfaitement que jamais le CNPE de Fessenheim n’aurait pu satisfaire aux exigences de la VD4 (4ème visite décennale qui aurait eu lieu en 2020 pour le réacteur 1 et en 2022 pour le réacteur 2) du fait que son radier n’avait pas pu être suffisamment renforcé pour empêcher une éventuelle percée du corium jusqu’à la nappe phréatique. Et qu’il sait également que ni la centrale ni la digue ne répondent aux standards actuels concernant le risque sismique… risque pour lequel la Commission Particulière du Débat Public a d’ailleurs demandé production des études, il faut l’en remercier !
La CNDP appréciera encore lorsqu’il parle (je cite) de « réformettes procédurales » !!!
Je ne suis d’accord avec lui que pour sa conclusion empruntée à Victor Hugo :
“Aimer, c’est agir”.
Reste à savoir si Victor Hugo aurait apprécié d’être associé aux prises de position de ce député !
Ce véhément plaidoyer contre le débat démocratique n’est peut-être pas seulement la charge d’un député pro-nucléaire dépité, mais probablement aussi le reflet d’un souffle d’inquiétude dans les rangs d’EDF qui, nous en sommes convaincus, n’est pas à l’aise pour répondre aux questions toutes légitimes reprises par la CNDP au sujet du projet contesté de Technocentre.
Le Débat public sur le Technocentre, “voulu par EDF”, a permis aux citoyens de soulever des questions d’importance, d’ailleurs bien plus qu’EDF ne l’imaginait si l’on en juge par le refus notoire de ce « maître d’ouvrage » à répondre clairement à des questions clairement posées !
La CNDP a repris l’essentiel de ces questionnements et demandé des réponses claires à EDF, qui devra se positionner avant le 7 juillet.
Il est permis désormais de s’interroger : ces questions embarrassent-elles donc tellement EDF et son député-lobbyiste, que celui-ci n’a plus d’autre ressource que de s’en prendre par cette tribune à la Commission particulière du débat public sur le Technocentre ?
Le 12 mai 2025,
André Hatz, président de Stop Fessenheim
Le Président de la Commission Particulière du Débat Public a répondu au député par une lettre ouverte
Monsieur Jean-Louis LAURE, Président de la CPDP en charge du Technocentre a trouvé les mots justes et réaffirmé les principes-mêmes qui ont guidé ce Débat public. Voici la LETTRE OUVERTE qu’il a adressée à M. Raphaël SCHELLENBERGER le 6 mai (avec copie à la presse et à EDF notamment).

Le commentaire de Stop Fessenheim :
Nous apprécions particulièrement que cette LETTRE OUVERTE ait rappelé à son destinataire que le porteur du projet, en l’occurrence EDF, aura obligation à « prendre en considération les avis du public et des parties prenantes, fussent-ils contradictoires ».
Et aussi d’avoir réaffirmé que « le débat public est une chance qu’il faut préserver » : en ces temps-ci où, au nom d’une prétendue “simplification”, la CNDP fait l’objet de tirs groupés de la part de certains parlementaires, la tribune de Raphaël Schellenberger venait bien évidemment apporter de l’eau à ce moulin.
Il est bien affligeant qu’il ait fallu rappeler le Droit constitutionnel à… un député !
Contrairement au député Schellenberger qui n’a que très peu participé (présence limitée, rédaction d’un cahier d’acteur), l’association STOP FESSENHEIM a assuré une présence constructive tout au long du Débat, quitte à se lever lorsque lorsque la position du maître d’ouvrage devenait particulièrement méprisante !
Nous avons :
- participé à toutes les réunion
- visité les sites (Fessenheim et Morvilliers)
- assuré une présentation, sur un temps certes trop contraint
- posé de très nombreuses questions
- interpellé EDF
- rédigé un cahier d’acteur
Entrer dans le Débat public n’était pas une évidence, vu la façon dont d’autres débats avaient été dévoyés par le maître d’ouvrage ou par les pouvoirs publics. Mais nous l’avons fait, parce que nous avons voulu APPORTER NOTRE PART pour DÉNONCER TOUT À FAIT DÉMOCRATIQUEMENT les non-dits, les dessous, les carences, les vices cachés, les risques, le gâchis économique et financier, ainsi que l’absence d’éthique de CE TRÈS CONTESTABLE PROJET DE FONDERIE DE MÉTAUX RADIOACTIFS.
La CNDP est globalement restée dans son rôle et a permis que ce débat ait eu lieu, que tous les avis soient entendus, ceux de nos contradicteurs et les nôtres. Et ceci, malgré le manque de clarté délibéré, la rétention d’information organisée, de la part d’EDF.
La Commission a rendu son RAPPORT (Compte-rendu et Bilan).
Son travail mérite respect !
Nous remercions son Président d’avoir réagi à la charge déplacée et arbitraire de ce député.
Nous retiendrons que pour défendre « son technocentre » ce parlementaire n’a pas hésité à s’en prendre… au débat démocratique ! Rien que ça !!!
Victor Hugo disait également : « J’ai essayé, selon la mesure de mes forces, d’introduire dans ce qu’on appelle la politique la question morale et la question humaine ».
Mais c’était Victor Hugo !
Le 12 mai 2025,
André Hatz, président de Stop Fessenheim.