• La presse régionale évoque le projet de Technocentre et l’opposition des associations antinucléaires

    Un dossier d’Olivier BRÉGEARD – 21 juin 2023 à 19:30 | mis à jour le 26 juin 2023 à 11:09 – Temps de lecture : 4 min

    Fessenheim

    Le projet de technocentre est sur les rails

    La décision finale d’investissement n’est prévue qu’en 2027 et la mise en service en 2031, mais EDF a lancé les études et prépare les esprits à la création, à côté de la centrale nucléaire à démanteler, d’un centre de « valorisation » des déchets métalliques faiblement radioactifs.

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    Laurent Jarry, responsable du prédémantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim et bientôt directeur du site, à l’entrée de la zone en friche qui pourrait accueillir le futur technocentre.  Photo L’Alsace /Hervé KIELWASSER

    Évoqué depuis plusieurs années, le « technocentre » de « valorisation » des métaux très faiblement activés (TFA) est un projet qui se concrétise lentement mais sûrement à Fessenheim. Il avance « selon l’agenda prévu » par EDF, indique Laurent Jarry, responsable du projet de prédémantèlement de la centrale nucléaire, bientôt directeur du site et d’ores et déjà porte-parole.

    Un temps en concurrence avec Tricastin, dans la Drôme, Fessenheim est désormais seul en lice. « L’État soutient le projet ici, il est fléché dans le plan France Relance annoncé en 2020 [100 milliards d’euros pour redresser l’économie, NDLR]. C’est le projet d’EDF pour l’après-Fessenheim », résume Laurent Jarry, qui a commencé à faire de la pédagogie auprès des conseils municipaux des environs.

    Avant-projet bouclé, calendrier fixé

    Selon l’avant-projet sommaire bouclé en janvier, le technocentre occupera quinze des soixante hectares de ce que l’on appelle chez EDF les « zones 3 et 4 » de Fessenheim, à savoir les terrains appartenant à l’exploitant, prévus initialement pour accueillir deux réacteurs supplémentaires et finalement laissés en friches au profit des chevreuils, des sangliers et d’une végétation luxuriante. L’usine proprement dite, dont les plans sont dessinés, occupera 30 000 m² au sol, à l’écart de la route départementale longeant le site. EDF promet « une empreinte visuelle mineure » dans le paysage.

    « L’étude d’impact environnemental a été réalisée. À l’automne, nous ferons des prélèvements en profondeur afin de vérifier la géologie pour les structures », poursuit Laurent Jarry. Le 5 juillet, le président d’EDF statuera sur le lancement de l’avant-projet détaillé. La Commission nationale du débat public devrait être saisie en septembre, une concertation préalable est prévue « autour de l’été 2024 », avec de probables réunions pour « collecter les avis et remarques ». L’enquête publique aura lieu en 2026.

    En 2025, EDF déposera une demande d’autorisation environnementale afin de pouvoir engager les travaux deux ans plus tard, et des demandes de dérogations pour pouvoir traiter les métaux radioactifs, dérogations rendues possibles par un décret du 14 février 2022. Auparavant, en France, un déchet provenant d’une zone produisant potentiellement des déchets nucléaires était systématiquement géré comme tel (donc stocké), quel que soit son niveau de radioactivité.

    Si les feux sont au vert, la décision finale d’investissement sera prise en 2027, les travaux dureront quatre ans, pour une mise en service en 2031. Le chantier devrait employer quelque 300 personnes, l’usine en fonctionnement 180, sans compter les probables entreprises prestataires. L’investissement sera de 400 millions d’euros, dont 100 pour les études et 300 pour les travaux à réaliser.

    Un « gisement » français de 500 000 tonnes

    Un temps présenté comme un préalable indispensable par certains élus, le soutien de l’Allemagne, avec l’apport de ses propres déchets, n’est pas « une nécessité », indique Laurent Jarry. Tout en prospectant sur les marchés européens, EDF et son partenaire Orano (ex-Areva) considèrent que le potentiel à exploiter dans l’Hexagone est suffisant pour justifier la création de cette filiale commune.

    Entre les équipements en attente sur les sites nucléaires, ce qui sera démantelé à Fessenheim d’ici 2041 puis, progressivement, dans le reste du parc français, sans oublier les métaux de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges-Besse d’Orano, dans la Drôme, déjà en phase de démantèlement, le « gisement » est évalué à quelque 500 000 tonnes. Après traitement à Fessenheim, « ce sont 400 000 tonnes de métaux qui pourront repartir dans l’industrie. On économisera de la matière première et on évitera de stocker des matériaux réutilisables », souligne Laurent Jarry, qui qualifie le projet d’« écologique ».

    Conscient « des inquiétudes » que le projet suscite néanmoins parmi une partie de la population locale, il compte sur plus de quatre décennies de cohabitation avec le nucléaire pour le faire accepter. Selon EDF, les métaux recyclés exposeront à des doses inférieures à 0,01 millisievert (mSv) par an, « soit 300 fois moins que l’exposition liée à la radioactivité naturelle en France ».

    Les antinucléaires vent debout

    Manifestations, casserolades, tracts… Les associations qui luttaient pour la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim dénoncent depuis son apparition dans le débat public le projet de technocentre. Elles contestent l’absence de nocivité des métaux recyclés, « certes moins radioactifs, mais toujours radioactifs », voire davantage encore, « aucune homogénéité du métal ne pouvant être garantie ». « Ce métal finira en objets de la vie courante et nous irradiera à petites doses, cumulatives et dangereuses. » En outre, « les faibles revenus obtenus sur le marché de l’acier ne pourront ni compenser les investissements, ni couvrir les salaires. In fine, c’est le contribuable qui paiera. » « Les différents traitements subis par les aciers contaminés généreraient des effluents qui menaceraient gravement la nappe phréatique, proche de la surface à Fessenheim », ajoutent les associations. Dossier complet sur www.stop-fessenheim.org